Les éoliennes de Sainte-Croix, stars de 24 Heures
Au début du mois de décembre 2023, 24 Heures a publié un cahier spécial de 12 pages entièrement consacré au parc éolien de Sainte-Croix (VD), en partenariat avec Romande Energie.
Ce document très riche retrace l’histoire longue et mouvementée du projet, détaille les mesures de compensation environnementale, revient sur les moments-clés des travaux et décortique le fonctionnement des éoliennes.
- L’histoire du projet
- La compensation environnementale
- Les travaux en bref
- Les éoliennes, côté technique
25 ans d’efforts et de discussions
Le parc éolien de Sainte-Croix, c’est une histoire qui s’étend sur 25 ans. Un quart de siècle sépare les premiers repérages de la mise en service des éoliennes. Au début, la Commune et le Canton imaginaient pouvoir inaugurer le parc à temps pour Expo.01. Qui deviendra d’ailleurs Expo.02, ce qui ne suffira pas pour construire les éoliennes.
Entre les études de faisabilité et les craintes légitimes d’une partie de la population qui ont fait naître des oppositions parfois musclées, de multiples procédures judiciaires et des débats sur la production, les exigences de protection de l’environnement ou encore les négociations avec les riverains, le projet s’enlise.
«Le projet de Sainte-Croix a pris les coups pour tous les autres», selon Jacqueline de Quattro, qui aura piloté le dossier durant son mandat à la tête du Département du territoire et de l’environnement (2014-2019). L’article de 24 Heures rappelle en effet les difficultés des magistrats que ce projet, en presque pionnier, a obligé à explorer des notions encore peu abordées par la jurisprudence, comme le calcul des effets du bruit d’une éolienne ou le nombre acceptable d’oiseaux impactés par un parc éolien.
La saga juridique se termine au Tribunal fédéral: le 21 avril 2021, la haute cour rejette un ultime recours et dégage la voie à la construction du parc. Le Canton valide le plan d’affectation et le permis de construire le 25 septembre de la même année. Les travaux commenceront 3 semaines plus tard et s’étendront pendant près de 2 ans. Les éoliennes ont été inaugurées officiellement le 10 octobre 2023.
Un environnement à préserver
Les longues négociations et la mise sur pied d’un comité environnemental ont conduit à un programme de 26 mesures conçues pour limiter les impacts du parc éolien sur l’environnement. Ces mesures concernent 8 domaines. Elles donnent le ton pour les futurs parcs éoliens de Suisse romande: eux aussi devront préserver l’environnement.
Emissions sonores
Des peignes sont installés au bout des pales afin d’atténuer le bruit. En brisant les tourbillons d’air, cette série de dents permet de réduire les émissions sonores.
Protection des eaux
Plusieurs mesures ont été prises pour protéger les eaux. Le chantier a dû éviter certaines zones, y compris pour le stationnement des véhicules et la gestion des huiles. L’épandage agricole est interdit près des pistes d’accès.
Sols
Les travaux ont été organisés pour que la nature des sols ne soit pas modifiée. Rien ne devait non plus être exporté du site. La terre récoltée lors de l’installation des socles a été stockée et sera réutilisée pour reconstituer le pourtour des éoliennes et des pistes d’accès.
Grand tétras
La région de Sainte-Croix représente l’un des derniers sanctuaires de cette espèce de coq de bruyère placé sur la liste des espèces en danger de l’UICN. Plusieurs centaines d’hectares de forêt seront aménagées à son profit à l’ouest du parc.
Oiseaux migrateurs
Grâce à un radar capable de détecter les flux d’oiseaux et leur densité, les éoliennes pourront être arrêtées pour éviter les collisions notamment lors des phases de migration. Une éolienne ne doit pas tuer plus de 10 oiseaux par année.
Chauves-souris
Une étude va être menée pour mesurer précisément l’impact des éoliennes sur les populations de chauves-souris. Des radars spécialisés seront installés pour identifier les périodes où les éoliennes devront être arrêtées.
Forêts et arbres
La surface occupée par les éoliennes est compensée par l’ancienne piste de ski qui est rendue à la forêt. Tous les arbrea abattus pour les besoins du chantier seront remplacés, par des espèces indigènes ou à forte valeur.
Paysage
Les abords des éoliennes ont été soignés pour rendre la vue plus agréable. Plusieurs dizaines de murs de pierre sèche ont été restaurés à la main et la ligne électrique sera enterrée, en respectant le sous-sol.
Des travaux minutieux
Avec une hauteur de près de 140 mètres au total et une masse de plusieurs centaines de tonnes, les éoliennes sont de véritables géantes. L’érection de ces hélices titanesques a demandé un travail d’orfèvre et une planification minutieuse. En voici un aperçu en 5 étapes.
Phase 1: la préparation
Au mois de juin, les socles sont prêts à accueillir le montage des éoliennes. Mais le matériel nécessaire doit être livré par transoport routier et l’acheminement des pièces est délicat: produites dans le nord de l’Allemagne, elles devront arriver à Bâle en péniche, avant d’être chargées sur des camions pour arriver enfin sur les hauts de Sainte-Croix. A chaque étape, un imprévu peut déclencher une cascade de conséquences imprévisibles. Durant des semaines, l’entreprise de transports va faire des calculs et prendre des mesures sur le terrain avant de préparer l’itinéraire des pales de 40 mètres de long.
Phase 2: le LEGO
Le mât des éoliennes se compose de 18 éléments de béton, qui mesurent près de 9 mètres de haut. Leur poids va de 56 tonnes pour le segment le plus large à 26 tonnes pour celui du haut. Ils sont assemblés à l’aide de 32 câbles qui traversent chaque élément pour assurer la solidité de la tour. Le montage de ce qu’on appelle le LEGO prendra une dizaine de jours à deux équipes et deux grues. Presque la routine pour des équipes expérimentées: Enercon a déjà monté plusieurs milliers d’éoliennes à travers le monde.
Phase 3: Le chargement des pales
Au mois de juillet, les pales et le hub des éoliennes arrivent par transport fluvial au port de Birsfelden, près de Bâle. Les éléments sont chargés sur des camions pour rallier Sainte-Croix de nuit. La manœuvre nécessite toute la précision de deux énormes grues qui soulèvent délicatement les pales de 9 tonnes pour les déposer sur le pont des camions. Le transport routier sera lui aussi réalisé avec une attention accrue: si les pales reçoivent un seul impact ou la moindre griffure, les trois pièces de l’éolienne devront retourner à l’usine pour être recalibrées.
Phase 4: le transport
Le convoi part à 19h du port pour rejoindre Chiètres, où l’attendent plusieurs véhicules qui vont accompagner ce convoi exceptionnel. Ensuite, il quitte l’autoroute pour traverser villages, ronds-points et banlieues dans la nuit qui tombe. A plusieurs endroits, il faut effectuer des trançons en marche arrière ou ajuster la trajectoire pour négocier des passages étroits, sous les indications des accompagnants. L’arrivée se fait au milieu de la nuit, vers 3h du matin. Au total, il aura fallu 7 convois spéciaux pour chaque éolienne.
Phase 5: l’élévation de l’hélice
Les tours sont prêtes à accueillir leur dernier élément. L’hélice se compose du hub, c’est-à-dire une pièce en métal sur laquelle sont fixées les 3 pales de 40 mètres chacune. L’ensemble pèse 66 tonnes et doit être élevé par une grue gigantesque, pesant 1000 tonnes à elle seule. Son acheminement a demandé une trentaine de convois spéciaux. L’opération est délicate car elle demande 1 à 2h avec un vent qui ne dépasse pas 7 mètres par seconde: l’équivalent d’une très légère brise. L’hélice est d’abord soulevée à plat depuis le sol, avant d’être basculée pour être assemblée à la tour. La dernière éolienne a été achevée le 1er septembre 2023.
Les composants techniques
Les pales
Les pales de l’éoliennes sont longues de près de 40 mètres. Elles sont chauffées pour éviter la formation de gel qui pourrait provoquer des projections dangereuses lors de la rotation. Un peigne installé sur les bords de fuite permet de réduire les émissions sonores. Chaque pale est équipée d’une bande rouge de 6 mètres pour assurer sa visibilité. En tout, l’hélice balaie une surface de 5200 m2 lorsqu’elle tourne.
Le pied
A la base de l’éolienne, on trouve un cône de 350 m3 de béton armé. Profond de 2.85 mètres, il abrite une chambre où sont notamment fixés les câbles d’arimage du mât. On y trouve aussi un dispositif de récupération des eaux de ruissellement, qui sont drainées grâce à des puits de contrôle. Un réseau de rubans métalliques emballe le pied pour servir de paratonnerre.
Le hub
Cette charnière rotative porte l’hélice, composée de 3 pales. Leur inclinason peut être ajustée entre 2.5 et 92 degrés, ce qui permet par exemple d’optimiser la production ou de ne pas s’exposer à un vent trop faible. Le hub embarque plusieurs capteurs, dont un capteur de bruit qui sert à arrêter la machine ou à envoyer des signaux d’alarme en cas de dysfonctionnement ou de chute d’un boulon.
La nacelle
C’est le cœur de l’éolienne. Cet élément de 11 mètres de long et de 5 mètres de haut pèse 18 tonnes. Il renferme 6 moteurs destinés à orienter l’hélice dans la direction du vent. La nacelle comprend des prises d’air pour la ventilation. A l’arrière, on trouve une trappe équipée d’un treuil utilisé pour la maintenance ou le sauvetage en cas d’accident.
La génératrice
Elle se situe à l’avant de la nacelle. C’est un anneau dans lequel vient s’insérer le hub. Grâce à un système d’électroaimants, la rotation du hub permet de produire de l’énergie. Elle bénéficie d’une liaison directe pour éviter l’utilisation d’un arbre de transmission qui pourrait entraîner des pertes d’énergie. Pour éviter toute surchauffe, la génératrice est ventilée.
Lire le cahier complet de 24 Heures: «Et pourtant, elles tournent»